Daily grind
Les WSOP, ce n'est pas seulement les bracelets, la gloire et les gros buy-ins. C'est aussi les Daily Deepstacks, des tournoix annexes joués au Horseshoe durant les Championnats du monde. Une alternative qui ne manque pas d'intérêt, notamment pour certains grinders français... Allez, suivez-nous au bureau des inscriptions : on vous emmène explorer l'univers des "Daily's".
Les WSOP, c'est 99 "bracelets events" cette année. Le tout, en un gros mois et demi de tournois. Un calendrier déjà bien chargé... Mais qui laisse tout de même pas mal de place aux tables du Horseshoe et du Paris. D'autant que les organisateurs ont décidé d'augmenter encore la capacité d'accueil du festival, en utilisant deux nouvelles salles du Horseshoe pour ajouter des tables de poker : la Normandy Ballroom et la Florence Ballroom, situées au fond du casino, derrière les tables de cash-game et la salle Hall of Fame. Et ces salles, elles sont spécifiquement dédiées à deux choses : tout d'abord, recevoir les centaines de joueurs s'inscrivant sur les tournois les plus populaires des Series, comme le Millionaire Maker, dont plusieurs tables du Day 2 étaient postées en haut des escalators. Mais surtout, elles servent également à jouer les fameux Daily Deepstacks, durant toutes la durée des Series. Ces Daily, vous les connaissez peut-être si vous suivez de près les World Series, où s'il vous a pris l'envie de venir grind pour pas trop cher dans l'antre des World Series. Chaque jour, au minimum trois tournois annexes aux WSOP sont ainsi organisés au Horseshoe : à 13, 16 et 20 heures. Des MTT au buy-ins plus modestes (250, 400 et 200 $) et qui se jouent sur un jour, comme il y en a tous les jours dans les différents casinos de Vegas, avec évidemment des structures moins intéressantes que les tournois WSOP mais qui restent cependant extrêmement populaires auprès des joueurs. Songez par exemple que le 250 $ de 13 heures enregistre parfois plus de 1 000 entrées, et propose donc des prizepools alléchants, avec pas loin de 30 000 $ à la clé pour le vainqueur. Sur le 400 $ du samedi premier juin, le vainqueur Raymond Chui a empoché 16 449 $, et sur le 200, Jackson Young est reparti avec 6 889 $.Autre exemple ? Greg Ceran-Maillard, collègue bossant sur ces WSOP pour un opérateur de jeu en ligne qui aime
bien les chevaux, a tenté sa chance il y a trois jours sur le 250 $ : le tournoi a validé 1 019 inscriptions, et a selon Hendon Mob été gagné par un joueur français dont le nom n'a pas été communiqué : ce dernier a empoché pas moins de 29 000 $ ! Alors, on en pense quoi de ces tournois ? "La structure, ça va jusqu'à la bulle, détaille Greg, qui a terminé 27e pour quatre buy-ins, soit 1 026 $ exactement. Après, c'est plus turbish. C'est un peu frustrant d'être éliminé alors que tu as laissé tant de joueurs derrière toi. Et le niveau..."
Si vous croisez ces légendes du poker, c'est que vous êtes sur la bonne route
Vous l'aurez compris, il y a certainement de la value à prendre, ce qu'à également bien compris Jonathan Guez, responsable des traders chez Winamax. Entre son Day 1 et le Day 2 du Millionaire Maker, pour lequel il s'était qualifié dimanche, il a donc décidé de tenter sa chance lundi... Il a bien fait : au beau milieu de la nuit, Jo nous a envoyé un message explicite "C'est gagné !" Un deeprun réussi sur un field de 873 entrées "seulement" (hé, on est lundi, les Américains venus pour le week-end sont rentrés chez eux), qui lui rapporte 26 265 $ après avoir battu en heads-up un autre Français, Roger Di Maria. Une occasion rêvée donc de lui demander comment se déroulent un tournoi qu'il a joué presque de A à Z...
"J'ai register au dernier niveau. J'avais 25 000 jetons sur des blindes à 1 000 /1 500, cela fait 16 blindes (il est possible de register jusqu'à la fin du niveau 8, à 5h35 de l'après-midi). Pour la petite histoire, ce tournoi m'a été financé car j'avais parié que Balogun marquerait avant la mi-temps, il a marqué à la 44e minutes... En tout cas, la moitié du field avait déjà été éliminée. C'est du 10-handed, donc tu n'es pas obligé de relancer avec A-3 off. La structure est cool les trois premières heures, après c'est une boucherie. Il faut éliminée 800 ou 900 joueurs en une journée..."
Jo qui découvre qu'il va jouer quelques heures en 10-handed
La suite ? Jo a eu beaucoup de réussite sur des coups à tapis, et placé quelques petites sucreries pour arriver avec 600 000 jetons alors que la moyenne était à 85 000. "Mais au bout d'un moment, tu te fais vraiment rattraper par la structure. Celui qui touche du jeu, bien joué à lui..." Jo a par exemple réussi à passer deux Dames contre deux Rois et Roi-Dame à tapis couvert (il a fait la Dame)... Ensuite, personne ne peux payer personne, car les stacks sont trop similaires." Ensuite Jo a gagné un flip crucial avec As-Roi contre deux Dix pour posséder un tiers des jetons à cinq left, et finir le travail. "Il faut tellement de chance et de timing. Je pense que j'ai rentré une cote à un milliard ! J'aime bien, ce sont des tournois accessibles. Mais soit tu run hot, soit tu min-cash : le 135e prend 500 $, et le 12e 1 200 $... Et les gens sont détente, fair-play, le field est plein de vieux américains et américaines. C'est bonne ambiance. Les seuls problèmes, c'est le 10-handed au début, et il y a trop de redraws. Mon tournoi a fini à 4h15, il faut aussi être prêt à ça."
Bref, vous l'aurez compris, ces tournois friendly consituent une belle opportunité de prendre un beau billet pour des bankrolls ne pouvant pas se permettre de jouer tous les tournois WSOP à quatre chiffres. C'est le cas par exemple de Dominique Terzian. Doumé, c'est un cas à part : lui, il vient à Vegas pour grinder sans relâche, mais pas pour jouer ces bracelets events qui font tant rêver le chaland. "Moi, je joue les petits tournois, nous confirme le Sudiste. Je n'ai pas une bankroll de malade : mon budget pour Vegas ne dépasse pas les 20 000 $, et je fais des tournois de 200 $ jusqu'à 800 $. Pour les WSOP, j'ai fait le Gladiators, je vais faire la Pokernews Cup à 600 $. Je joue aussi à l'Orléans, au Wynn, qui fait des tournois moins chers maintenant, et au Venetian par exemple. Et si par bonheur je fais un beau résultat, je joue plus cher. Le poker, ça va trop vite, et moi j'aime bien monter en puissance." Avec une exception pour les magnifiques tournois Seniors, donc. Et parfois plus : "J'ai aussi joué le Main Event il y a deux ans, j'avais sauté à trois mains de la fin sur le Day 1 pour un pot de 2,3 fois l'average." Après avoir atteint les places payées sur le Seniors Championship (Doumé est d'ailleurs en lice sur le Super Seniors, réservé aux joueurs ayant au moins 60 ans. "J'ai soixante ans et six jours, rigole Doumé. Je suis peut-être le plus jeune !"La Provence Ballroom, vue de l'intérieur
Une chose est certaine : la strat de Doumé fonctionne : "J'en suis à 17 ITM en 22 jours ! J'aime bien jouer, je peux jouer 24 heures d'affilée, explique celui qui loge généralement à proximité du Horseshoe, dans la résidence Platinum par exemple. Je préfère faire deux tournois à 400 $ plutôt qu'un 1 000 $ et ne pas jouer pendant deux jours si je suis éliminé." Des stats incroyables, sauf pour lui : Dominique est le recordman français et européen des places payées sur le site de référence Hendon Mob, avec pas moins de 449 ITM (!!) depuis 2011, ce qui le place actuellement en 11e place du classement mondial. "Une fois, j'ai fait trois placées payées dans une journée," se souvient Doumé. Et encore, il doit en manquer pas mal... "J'ai vraiment commencé à m'y mettre en 2017, explique ce joueur de cartes depuis 40 ans. J'ai connu le poker trop tard." Le revers de la médaille ? Doumé ne gagne pas souvent : "J'ai 22 victoires, mais pas sur des gros tournois." Une anomalise, sans aucun doute, pour un pedigree aussi fourni. Tout les coups à tapis je suis devant quand j'ai une tonne
Mais revenons à nos moutons : c'est quoi la recette pour aller loin sur ces structures ? "Faire ITM, c'est jouable, c'est mon premier objectif, explique Doumé. Par rapport au nombre de jetons que j'ai, je me projette, je sais les coups où je peux aller ou pas. Je pique des jetons, je disparaît, je re-entre..." Des tournois sur lesquels l'expérience peut également aider : "J'utilise aussi les tells, explique Doumé. Par exemple, il y a un mec qui avait l'air décontracté, mais tu le vois qui regardes le serveur, qui se retourne, qui joue avec son téléphone..." Selon son ami Sébastien, qui a visiblement tenté de lui montrer des tableaux de ranges de mains sans succès, Doumé reste "un joueur d'instinct. C'est le poker à l'ancienne. Pourtant, il traine avec des joueurs comme Sonny Franco ou Paul-François Tedeschi !" "Je joue mi-vieux mi-jeune, précise Doumé,qui confie préférer le full ring au 6-handed. Je m'adapte."Concernant la fin de ces tournois, Doumé est bien d'accord avec Greg CM : "A la fin, c'est de la roulette. Je joue pour gagner : si il faut mettre les jetons au mileu je les mets, mais je me fais toujours salir, comme je ne suis pas chattard." Dominique peut cependant compter sur un autre atout durant ces tournois qui se terminent au milieu de la nuit, et pour les WSOP dans leur ensemble : "L'endurance ! C'est ma force. Chez moi, c'est zéro craquage. Je peux jouer deux tournois dans la même journée." Ce qui n'est clairement pas le cas de tout le monde.
La Normandy Ballroom
En attendant la prochaine victoire de Doumé, tout le monde peut aussi tenter sa chance sur les Daily Deepstacks, pour dire qu'il aura gagné un tournoi à Las Vegas alors que Gus Hansen, Phil Ivey ou que sais-je encore jouent pour les plus prestigieux bracelets dans le même casino. C'est aussi ça, la magie des WSOP.