EPT Londres 2010 présenté par PokerStars.com - Jour 3

Du répit pour Michel

Michel Abécassis a réussi à se donner un bon bol d’air en doublant son tapis. Il revient sur les évènements. « De retour de la pause, j’envoie directement mon tapis avec King-Five, j’étais obligé de représenter ! Mais personne ne m’a payé… Ensuite, derrière une relance de John O’Shea, je fais tapis de grosse blinde avec As-Neuf. Il paie avec As-Huit et ma main reste devant. » Je vois ensuite Mik22 relancer à 14,000 au bouton. Lorsque Joel Nordkvist lui fait tapis pour 150,000, il préfère néanmoins décliner l’invitation. Le joueur du Team Winamax possède désormais un tapis de 110,000, soit dix-huit blindes.

Renaut demantelée

« C’est horrible ! », s’exclame Claire Renaut en pointant du doigt son maigre tapis, composé d’à peine six ou sept grosses blindes. La journaliste passée semi-pro avait entamé le Day 3 avec un peu plus de 100,000, mais c’est en position de spectateur frustrée qu’elle a passé le premier niveau, faute de trouver des cartes lui permettant de faire parler la poudre. « Je n’ai reçu que des 8-3, des Valet-4, des Dame-2, absolument rien de jouable. Je n’ai même pas eu l’occasion de voler les blindes avec ces mains-poubelle, car les pots ont toujours été ouverts avant que mon tour n’arrive. »

Une nouvelle main est donnée, et Claire se rassoit pour y participer. Tout le monde passe jusqu’à elle. En position du cut-off, la française n’a besoin de regarder qu’une seule de ses cartes pour trouver une raison valable de faire tapis : c’est une [Qc]. Benny Spindler passe au bouton, la petite blinde fait de même, mais la grosse blinde annonce aussitôt « Call », montrant [Ac][Ks].

« Je n’ai pas encore vu la seconde », dit Claire en retournant ses cartes. Elle découvre en même temps que ses adversaires qu’il s’agit d’un piteux [4s], qui lui laisse tout de même six chances de faire une paire.

Hélas, le board est complètement vierge de tout miracle : [2c][2d][3d][Th][5s].

Claire Renaut est donc éliminée en 93ème place : pour sa première participation à l’EPT, elle remporte 9,000 livres sterling.

Benjo

Un freeroll payant

Je retrouve Klaus Pautrot sur un flop [7c][8c][9c]. Alors qu’il y a 70,000 au pot, il envoie son tapis pour 110,000. J’imagine que cette action fait suite à une mise de Greg Raymer. L’américain va alors hésiter quelques secondes puis payer. Klaus table alors [Ac][Th] sur la table pour un monstrueux tirage quinte et couleur. « Tu es en freeroll » confie Greg en retournant [As][Ts]. Après un turn [Qs], le français trouve un [Jc] sur la rivière. Ce pot lui permet de grimper à 300,000.

Michel Abécassis prend la sortie

De la frustration. C’est le sentiment dominant de Michel Abécassis à l’issue de cet EPT Londres. Alors qu’il avait maitrisé de bout en bout son tournoi, le joueur du Team Winamax est tombé à dix blindes à la suite de deux coups malheureux. Mik a ensuite réussi à doubler pour se donner de l’air durant quelques minutes. Jusqu’à un ultime coup du sort. Derrière une relance de John O’Shea, Michel envoie son tapis pour une vingtaine de blindes avec [Ah][Jh]. L’irlandais décide de payer avec As-Neuf. Le flop donne un net avantage à Michel : Q-J-9. Mais le turn est un terrible neuf qui l’envoie sur la touche. Il remporte 9,000£ pour sa performance. Bravo, Michel !

La jeunesse au pouvoir

Il s’apelle Levy, il porte un chapeau, mais il ne faut pas le confondre avec notre CrocMonsieur national : avec plus de 900,000 de tapis, Steven Levy est l’un des chip-leaders. Un candidat potentiel au poste de finaliste, bien qu’il soit probablement encore un peu tôt pour se livrer à ce genre de pronostics. Ce jeune américain dispose d’un palmarès intéressant en live avec notamment une quatrième place lors d’une boucherie aux WSOP 2009. Mais c’est surtout en ligne que Levy a fait parler de lui (sous le pseudo « 19FMzadester ») avec 1,2 millions de dollars de gains recensés sur la base de données PocketFives. Un joueur régulier qui « tient bien les cartes », comme on dit en cercle.

Les « online grinders » dans le genre de Levy sont encore nombreux en course, et l’on retrouvera probablement une brochette autour de la dernière table.

Benjo

Quaaaaaaads

A la demande générale, je pars m’enquérir des progrès d’un autre petit jeune qui ira loin, j’en suis sur : Phil Ivey. Mon flair légendaire me fait arriver à sa table pile au moment où Ivey est impliqué dans un pot énorme : le board est [7d][Qd][Tc][Th][Qc], et l’américain a misé 100,000, ne lui laissant que 60,000 derrière. Ironie du sort, son adversaire (Kayvan Payman, je ne le connais pas) possède à peu près un tapis identique, et est donc confronté à une décision des plus ardues.

La réflexion s’étire sur plusieurs minutes. Payman tente désespérément de trouver un indice sur le visage d’Ivey, mais c’est peine perdue. Debout derrière Ivey, j’observe la scène avec mon confrère anglais Chris Hall.

« Ce serait marrant que l’autre soit en train de slowroll Ivey avec le carré de Dix… », dit Chris.

« Ouais, et là, Ivey secouerait la tête en disant ‹ ah oui,mais non › avant de retourner le carré de Dames. »

Payman finit par… payer (il porte bien son nom). Avec un mouvement sec du poignet, Ivey retourne [Ts][Td] pour le carré. Y’a pas à dire, ils sont très forts, ces professionnels.

Payman n’avait pas de Dame, sinon il aurait payé plus vite… Qu’avait-il, alors ? Toujours est-il qu’avec ce gros pot, Ivey passe à plus de 550,000.

Benjo

Carbonisé

Il avait commencé le Day 2 avec 15,900 (douze BB). Son Day 3, c’est avec un maigre 47,000 qu’il l’a débuté (dix BB). Vous l’avez compris, Laurent Carbonel n’est pas un garçon facile à déloger d’un tournoi. Après s’être battu comme un lion, le français vient néanmoins de voir son aventure s’arrêter autour de la 80ème place. En début de parole, il envoie son tapis pour 50,000 avec As-Roi. Son compatriote Dominique Franchi le paie avec une paire de Dix et remporte le coin flip. Félicitons Laurent pour son parcours : il remporte 9,000£ !

Trois tonneaux en table 11, SVP

Klaus Pautrot continue son ascension : avec 460,000, il fait désormais partie des joueurs à surveiller de près. Dernier fait d’armes : un « 3-barrel » sur un board [8h][Ad][7c][9s]. La petite blinde paie 30,000 au flop, 55,000 sur le turn, mais refuse de s’acquitter d’une dernière mise de 82,000 sur la rivière, jetant ses cartes après de bien longues déliberations.

Benjo

Décrue

Le rythme des éliminations a commencé à décroitre pour la première fois en dix heures de jeu. Seulement quatorze joueurs ont pris la porte de sortie durant le niveau qui vient de se terminer.

Tableau de bord
81 joueurs restants (sur 848 au départ)
Blindes : 4,000/8,000, ante 500
Tapis moyen : 314,100

Benjo

Les tapis français

Alors que nos tricolores représentent encore presque 10% des joueurs en course, intéressons-nous à l’état de leurs tapis.

Thomas Bichon 595,000
Klaus Pautrot 390,000
Dominique Franchi 270,000
Cherif Zacca 250,000
Eric Qu 210,000
Philippe Ktorza 120,000
Eric Haik 85,000

Haik : Hara-Kiri

Avec seulement dix blindes devant lui, Eric Haik (à droite sur la photo aux côtés d’Eric Qu) n’a plus qu’une seule arme à sa disposition : le tapis préflop. Je viens de le voir en faire usage en milieu de parole. Tous ses adversaires passent, et Eric faire mine de s’essuyer le front tout en gardant ses cartes dans le creux de la main, ce qui a pour effet de montrer à ses adversaires un bel As de pique. « On a eu chaud ! »

Quelques minutes plus tard, Haik recommence, avec une paire de 9 trouvée « under the gun ». Tout les joueurs passent les uns après les autres. Tous, sauf un : la grosse blinde, qui est assis derrière une paire de Dames. Snap-call, bien entendu : le board ne sauvera pas Eric, qui est éliminé aux alentours de la 70ème place. Il remporte 11,000 livres pour cette deuxième place payée consécutive à l’EPT de Londres (en 2009, Haik avait fini en 27ème position).

Benjo

Phil Ivey à la dérive

Laissé au dernier pointage à 550,000, le meilleur joueur du monde n’est plus assis que derrière… 160,000. Après avoir rendu pas mal de jetons à Kayvan Payman sur une coin flip (As-Valet contre 99), Ivey paie 250,000 sur la rivière d’un tableau qui ressemblait à [Qs][Ts][3s][4d][Qc]. Son adversaire possédait [Ac][Ad] et un de mes collègues m’a dit avoir vu un As de pique dans la main de Phil. On peut imaginer que tout l’argent est parti au flop. On connait l’américain : rester avec une vingtaine de blindes devant lui en tournoi n’est pas vraiment sa tasse de thé… Il ne devrait pas tarder à tout envoyer.

Ktorza trahi par les rois

En milieu de parole, Philippe Ktorza découvre [Kd][Kh] et relance à 16,000. Il ne trouve alors pas un mais deux clients ! Joe Hachem envoie effectivement son tapis pour 110,000 et Kyle Bowker fait de même par dessus. Philippe paie, bien sûr, et voit Kyle montrer [Jc][Jh] et Joe [Ac][Kc]. « Des trèfles ! » demande Joe, sans même penser à l’as.

Et le flop [8c][7c][2h] lui ouvre ce fameux tirage ! Philippe doit désormais éviter les as, les valets et tous les trèfles pour remporter ce pot qui lui permettrait de revenir à la moyenne. Malheureusement pour notre français, le turn est un [Js] qui le laisse avec une unique carte pour gagner : le roi de pique. Mais la rivière sera un [4c] apportant la couleur à Joe Hachem : il remporte le pot de 350,000 pendant que Kyle Bowker remporte un petit pot extérieur de 30,000.

Philippe Ktorza est lui éliminé et remporte 11,000£ : il reste cinq français en course.

Pas de Qu

Une français est sorti sans que l’on s’en aperçoive… Il s’agit du finaliste de l’EPT Monte Carlo 2009 Eric Qu. Cette élimination fait tomber le nombre de français restants à quatre : Thomas Bichon, Dominique Franchi, Klaus Pautrot, et Cherif Zacca.

EDIT : Trois minutes plus tard, Harper arrive en salle de presse avec l’info. Résumé lapidaire : « As-Dame contre As-Roi. Terminé ».

Benjo

On ne perd pas le rythme

Une vingtaine de joueurs supplémentaires nous a quitté durant cette dernière heure. Mauvaise nouvelle pour tous ses fans : Phil Ivey fait partie d’entre eux, son As-Valet s’étant heurté à une paire de rois.

Concernant les quatre français encore en course, Thomas Bichon truste le top 3, Klaus Pautrot se maintient à la moyenne pendant que Dominique Franchi et Cherif Zacca vont devoir se battre avec vingt-cinq blindes.

Tableau de bord
61 joueurs restants (sur 848 entrants)
Prix assuré : 13,000£
Blindes 5,000/10,000 ante 1,000
Tapis moyen : 417,000

Le miyon, le miyon

Thomas Bichon est l’un des premiers joueurs à se constituer un tapis à sept chiffres, et ce après avoir éliminé Alex Gomes. Le brésilien avait perdu un peu de jetons en doublant Chris Bjorin lors d’une confrontation dominée ([8c][4c] contre [8d][8h], si si), et a ensuite mis le reste de son tapis avec une paire de 9 contre le Q-J de Bichon, qui a trouvé un brelan de Dames directement sur le flop.

Rappelons que Thomas Bichon s’était emparé du chip-lead dès les premières heures du Day 1A, multipliant son tapis par quatre avant la fin du troisième niveau.

Benjo

Chipcount à la pause

L’excellente Mad Harper (pas moi hein, elle, c’est son vrai nom de famille) a récolté l’intégralité des chipcounts durant la pause. Comme vous pouvez le remarquer, il ne reste plus que trois français en course, Dominique Franchi ayant été éliminé juste avant la pause.

Le top 10

Jamie Brown (UK) 1,450,000
Thomas Bichon (France) 923,000
John Juanda (USA) 900,000
David « Chino » Rheem (USA) 882,000
Per « nemo234 » Ummer (Chypre) 825,000
Tomas MacNamara (UK) 700,000
Allan Barri (USA) 700,000
Kevin « 1$ickdisea$e » Eyster (USA) 700,000
John Hall (USA) 644,000
Benjamin Vinson (UK) 634,000

Le reste du field (sélection)

David Vamplew (UK) 590,000
Steven Levy (USA) 580,000
Chance Kornuth (USA) 500,000
John O’Shea (Irlande) 498,000
Claudio Cecchi (Italie) 486,000
Artur Wasek (Pologne) 476,000
Kevin Stani (Norvège) 475,000
Tom Marchese (USA) 473,000
Klaus Pautrot (France) 462,000
Scott Palmer (USA) 395,000
Joe Hachem (Australie) 380,000
Jasaon Gray (Australie) 336,000
Salvatore Bonavena (Italie) 308,000
Cherif Zacca (France) 286,000
Guillaume Rivet (Canada) 236,000
Chris Bjorin (Suède) 228,000
Joep Van Den Bijgaart (Pays-Bas) 221,000
Fintan Gavin (Irlande) 158,000
Bruce Atkinson (UK) 151,000
Chad Brown (USA) 105,000
Eric Baldwin (USA) 73,000

Advanced Strategy

Une main très intéressante a précipité la sortie de Kevin Stani, le vainqueur de l’EPT Tallinn. Je vous raconte : vous me direz ce que vous en pensez.

Tout commence avec une relance de Cherif Zecca en début de parole. Montant : 26,000 (blindes 5,000/10,000).

De petite blinde, Kevin paie. A sa gauche est assis l’excellent Tom « Kingofcards » Marchese. L’américain décide de 3-bet à 76,000.

Cherif va réfléchir un long moment avant de jeter ses cartes. La parole revient à Kevin, qui dispose de trois options. Il va choisir la plus originale : une relance. Originale, car venant après un call originel de sa part. C’est ce qu’on appelle le « New York Back Raise », je crois. Total de la relance : 200,000, presque la moitié du tapis de Kevin.

Comme si le coup n’était pas déjà assez bizarre que cela, Tom Marchese va se contenter de payer la mise, alors qu’il ne possède pas beaucoup plus de jetons que Kevin (environ 300,000 derrière après avoir payé). Devant cette situation, de nombreux joueurs auraient hésité entre passer et faire tapis. Tom, lui, préfère payer, alors que son adversaire est clairement « commit ».

Kevin Stani et Tom Marchese

En l’état, la suite du coup est plutôt logique : le flop tombe [8h][7d][2s], Kevin dit « all-in » très vite (220,000), et Tom répond « call » tout aussi rapidement.

Kevin montre [As][Qs]. Il est derrière le [Ad][Kc] de Tom.

Pourquoi Tom Marchese n’a t-il pas fait tapis préflop ? Simple fantaisie, puisque cela n’aurait probablement rien changé à l’histoire ? Ou alors, peut-être, une stratégie avancée ? (« Je sais que je suis devant, alors je paie pour le laisser bluffer sur le flop, pour éviter qu’il ne jette si je fais tapis préflop, mais en prenant le risque de me faire distancer sur le flop »)

Je vous laisses juges. Toujours est-il que Kevin Stani est éliminé, tandis que Tom Marchese monte en flèche au classement, avec un tapis pointant désormais à presque un million.

Benjo

That’s Hall

Voilà une main entre deux randoms qui se termine par l’élimination d’un random. M’en fous, j’la mets quand même. Derrière une relance de Fintan Gavin à 26,000, John Hall paie au bouton. C’est alors que Peyman Luth annonce « All-in » depuis la petite blinde pour un total de 400,000. Fintan passe rapidement, mais pas Peyman qui annonce « Call » dans la demi-seconde suivante : il a effectivement tendu un piège avec [As][Ac] ! Hall est en mauvaise posture avec [3h][3c] et ne parvient pas à améliorer : il est éliminé. Peyman grimpe de son côté à un million.

Coin-flip : la rengaine du couvreur

Je ne sais pas exactement combien de coin-flips auxquelles j’ai assisté depuis mes débuts dans le métier… Un mathématicien pourrait probablement me calculer une extrapolation sur la base d’un petit échantillon (du genre un tournoi standard de six jours)

Bref, je peux probablement affirmer sans trop de risque de me tromper que des coin-flips, j’en ai vu au moins un millier, à l’aise. Et finalement, je n’en suis pas encore lassé. C’est parce qu’il y a des coin-flip plus amusantes que d’autres qui permettent au processus de conserver un semblant d’intérêt. Par exemple celle qui vient de permettre à Fintan Gavin de doubler son tapis.

Muni de [5c][5d], l’irlandais fait face à [As][Qs].

Le flop [7s][7c][8d] rajoute des outs à l’adversaire de Gavin, qui peut désormais trouver un 8 pour faire deux paires supérieures.

Le turn [Js] augmente d’un cran la tension : l’autre joueur peut désormais compter sur les piques et les Valets pour le faire gagner.

La rivière est parfaite : un [2d] qui fait retomber le suspense comme un soufflé. Fintan Gavin est sauvé.

Avouez que c’est tout de même plus rigolo qu’une banale rencontre entre paire de 9 et As-Roi avec un 9 qui tombe direct sur le flop. Non ?

Benjo