Désolé si je fais un peu donneur de leçons sur ce sujet, c’est vraiment pas le but, mais la psychologie du poker, c’est un parametre qui me passionne, bien plus que les ranges et la GTO
. Particulièrement depuis que j’ai lu ce bouquin génial « Poker Mindset », ça fait des lustres que j’ai totalement intégré, accepté et dépassé toutes les conséquences liées à la fameuse variance inhérente au jeu qui nous passionne tous, et que c’est un tres grand confort pour l’esprit une fois qu’on l’a complètement intégrée et surtout comprise. Tant qu’on ne l’a pas intégrée, c’est fou la somme de fausses croyances qu’on peut soi-même s’infliger et évidemment toutes les conséquences négatives sur notre jeu par la suite, à force de se persuader qu’on a une malchance pas possible. Et je le vérifie tres souvent avec deux potes qui jouent depuis tout aussi longtemps que moi mais qui n’ont encore pas intégré completement le phénomène de la variance, et qui s’énervent donc tres regulierement apres avoir perdu des coups pourtant ultra standard.
Un exemple tout bête, imaginons un coup ultra standard: on est en milieu/late game en tournoi, on a 3 bet all in AK preflop, vilain nous couvre, il paye et découvre AQ. C’est un 70/30, comme chacun sait. Et pourtant, on a beau le savoir, parmi tous ces gens qui vont le savoir, beaucoup d’entre eux vont quand meme trouver incroyablement improbable de perdre le coup. Et vont donc considerer cela comme une incroyable malchance dont ils seraient les malheureux élus. Pareil pour les 80/20 évidemment qui paraitront aux memes joueurs encore plus incroyablement improbables. Pourtant, 30 ou meme 20% de chances de perdre le coup, c’est beaucoup, non? On devrait donc se rendre compte et intégrer définitivement que dans ces spots, on pourra implorer tous les dieux possibles qu’on n’arrivera jamais à perdre le coup moins de 2 ou 3 fois sur 10.
Si la meteo nous annonce qu’il y a 20% de chances qu’il pleuve demain, personne ne dira que c’est hautement improbable s’il pleut effectivement le lendemain. Mais si c’est nos AA qui perdent preflop vs 88, y a un truc dans notre cerveau qui nous persuade que, bon dieu, c’est quand meme dingue!!..…alors que pas du tout et que c’est le lot quotidien de tout joueur de poker.
Ces fausses croyances nous arrangent bien, évidemment, enfin, elles arrangent surtout notre ego, qui aime à être flatté et n’apprécie pas en general d’etre bousculé. Elles permettent à ceux qui n’en sont pas conscients ou à ceux qui refusent de comprendre pour diverses raisons de ne jamais se remettre en question et/ou à ne surtout faire aucun effort pour s’améliorer: il sera bien sûr toujours plus confortable de mettre nos difficultés/échecs sur le dos de la malchance. Mais ce sera toujours une erreur de fond.
Il y a teeeeeeeeeeeeeeellement de paramètres sur lesquels on peut faire progresser notre jeu (si on en a envie hein, car ce n’est évidemment pas une obligation, on peut tres bien jouer à ce jeu en totale détente et accepter d’ailleurs d’y etre perdant), c’est là qu’on va gagner des jetons et de l’avance sur tous les joueurs qui ne feront pas ces petits ou grands efforts. Mais il faut toujours éviter de s’appesantir sur la variance et le mal qu’on pense qu’elle nous fait car 1/ on ne pourra jamais rien y faire (à moins que vous arriviez à cheat l’algorithme
) et 2/ on risque de déjouer/tilter au moindre bad beat/bad run.
Tout cela ne m’empêche pas de tilter une fois de temps en temps, selon le momentum évidemment (ca fera toujours plus mal de perdre un 80/20 en TF plutot qu’apres 10mn de jeu), mais on joue tellement plus sereinement une fois qu’on a intégré que la variance donne tout son sens à ce jeu, dans ce qu’elle permet d’entretenir presque indéfiniment le field de joueurs: le grand public ne se rend pas compte que la place importante que prend la variance dans ce jeu permet de faire revenir régulierement les joueurs moins bons/mauvais/tres mauvais. En comparant avec un jeu comme les échecs, où la part de hasard/variance est égale à zéro, on a certes des joueurs absolument incroyables, dont certains sont de véritables génies, mais le field est fatalement hyper réduit et les prize pools assez misérables. Le poker a ça de formidable que si l’on fait 100 HU vs Phil Ivey, on va réussir à en gagner une bonne partie (allez, peut-etre 10 ou 15 dans mon cas, j’en sais rien mais c’est certain que je vais pas etre fanny). Par contre, je peux faire un million de HU aux échecs vs Kasparaov que je n’en gagnerai jamais un seul.
Variance et poker sont à jamais intimement liés, il faut donc l’accepter car si elle nous fait parfois des misères, elle en fait tout autant aux autres, et c’est aussi ce qui fait qu’on aime ce jeu: quand on envoie nos derniers jetons avec JJ et qu’on se fracasse sur AA, on l’aime bien la variance qui nous envoie un J river, non? 