On est pas sorti de l'auberge

ON EST PAS SORTI DE L’AUBERGE

Dans le dernier blog : SLIP TIGHT je vous expliquais la fin de la période squatte poker, pour me remettre en selle à la britannique.

Me voici reparti outre-manche, avec 400€ en poche et -800€ sur mon compte français. Vu mon départ à l’arrache, j’avais quand même trouvé un job dans l’auberge de jeunesse où j’avais vécu lors de mon premier séjour. Le taff? Portier… Oui portier pour une auberge de jeunesse, c’est assez inattendu, mais bon ça me permettait au moins d’avoir le loyer et la bouffe gratuite pour 2 jours de boulot. Je me tenais debout devant la porte à attendre le client, paré de mon joli petit polo bleu, « Hi, Welcome to the generator hostel ». Bon… en revanche au bout de trois semaines, je n’avais plus de boulot! Comme d’habitude raisonnable, j’avais réussi à me faire virer pour « Tentative d’entrées illégales de personnes ». Je retrouvais en urgence un boulot, « Bienvenu chez le Nando’s le Roi du Poulet », histoire de faire rentrer un peu de caillasse.

(Cadeau : Photo d’archive)

Les pound qui rentrent sur le compte ne ressortent pas, je suis raisonnable, et me tiens loin des cartes… Enfin raisonnable, je ne dépense pas l’argent de mon compte anglais, mais effectue tous mes achats avec ma carte française qui creuse de plus en plus mon déficit (la magie du « swapping system »).

Après avoir mis 500£ de côté je m’autorise à une petite sortie casino, retour au source : LE VICTORIA. On organise ça avec un pote de boulot. Le vendredi, le tournoi du soir est le moins cher de la semaine, £60 c’est parfait!

Ce vendredi matin, mon téléphone sonne : « -Allo? »

  • C’est ta mère, dis donc tu peux m’expliquer ce qu’il se passe avec ta banque?
  • Je sais pas… pourquoi?
  • Ils m’ont appelé, ils m’ont dit que tu étais dans le rouge de 1000€ et que si ce découvert n’était pas comblé sous 48h, il te ficherait banque de france…"

Fiché pour 1000€… ça me semblait tellement irréaliste, inconcevable. Le petit con hors des réalités que j’étais se disait : « Avec la tune qu’ils brassent, ils vont quand même pas faire chier pour une somme aussi ridicule ». Mais évidemment qu’ils allaient me faire chier, je dépensais sans aucun approvisionnement sur mon compte. Qu’elle soit dérisoire ou non cette tune n’était pas la mienne. Ma mère devant l’urgence de la situation et comprenant que je risquais cinq ans sans carte bleu ni chéquier combla mon découvert… encore une jolie preuve d’indépendance pour quelqu’un qui souhaite s’émanciper.

Comme convenu, nous nous rejoignons plus tard avec mon collègue de boulot. Je arrête à ma banque anglaise pour retirer de l’argent, mais impossible. « Je comprends pas, pourtant j’ai de l’argent sur celui ci », je rentre dans l’établissement et demande une explication. Celle ci est très simple : « Désolé monsieur, votre dossier indique des problèmes, nous ne pouvons pas vous garder parmi nos clients » me donnant alors tout l’argent que j’avais sur ce compte en cash : £500.

Je commence à me dire que cette histoire pue vraiment du cul… avant de partir au casino je passe payer mon lit dans ma nouvelle auberge de jeunesse. Et c’est parti : ROAD TO GROSVERNOR CASINO. Il est encore tôt avant le tournoi, nous nous enregistrons et allons faire un tour du côté d’Hyde Park, la balade est cool, mais « aïe » en croquant dans un bonbon (skitlles) je me retrouve avec un chicot en moins. En effet un énorme plombage venait de partir englué dans le mélange sucre/salive. Un trou béant était apparu, et pour le réparer, je me doutais que la sécurité sociale anglaise n’allait pas vraiment m’aider.

Pas besoin d’être devin pour deviner que ce n’est pas de bon augure. « Allez c’est bon, de toute façon je vais payer ma couronne avec les gains de ce soir! ». Je me pose à la table, les orbites passent et les jetons ne décollent pas, ils ne descendent pas non plus, ça stagne gentillement pendant que mon collègue sort et que les blinds augmentent. Sans surprise, je me retrouve à jouer un coin flip… et le perds. Je me lève et commence à sortir, je traverse les tables de cash game… et me retrouve pris du syndrôme dégueulasse et horrible « La chance ne m’a pas encore souri aujourd’hui, mais ça va changer ». Tu m’étonnes John, les merdes commencent vraiment à s’accumuler pour un seul jour, mais je trouve quand même l’idée de me poser aux tables de cash. Avant ça bien entendu, direction le « cashier », il me reste en poche £350, je décide de la jouer soft et donc de convertir l’intégralité de la somme en jeton. £0,5/£1 C’est parti, je fais le mec serein, mais à l’intérieur je n’ai jamais autant senti de stress.

(Une salle moins stressante quand elle est vide)

Les mains passent, je ne joue rien, me rappelant que chaque jeton perdu me rapproche de la ruine. Je soulève alors une paire de 55, étant utg je décide de la jouer soft, je limp. Quatre larrons s’invitent dans la main. Tombe un flop 3 5 6 rainbow : je jubile, mon heure est venu. Les blinds check, je mise £5 et me fait raise a 15£ par la small blind, je call. Turn un 7 : « aïe » le mec mise £25 je relance à £75, il me fout la boite et je snap « fuck » call. Le mec avait floppé les nuts avec 4-7o. Je me liquéfie, je prie pour une doublette, je tremble… Elle ne viendra jamais… C’est fini, KO comme McDermott dans le film « Rounders ». Je ne comprends rien à ce qui m’arrive, ma bouche à le reflex d’articuler « Je suis trop con » en boucle… Un joueur me demande « Are you rebuying? »… j’ai envie de pleurer. Je suis qu’une merde… je n’arrive plus à me dire autre chose.

Je quitte le casino, et marche jusqu’au métro, il me reste 1,5£ pour prendre mon dernier luxe : un ticket. Je rentre à l’auberge et cherche mon meilleur ami qui a fait le pari de l’étranger avec moi. Je ne le trouve pas, il me reste de ma weed, je me roule, un, deux, trois, quatre joints d’une ganja puissante qui m’envoya dans les profondeurs de la dépression. Je finis par croiser mon ami qui était tranquillement en train de dormir dans la TV room de l’Hostel, je lui explique ce qu’il s’est passé : « Putin Arthur… » fit il avant de replonger dans les bras de Morphée.

Je me retrouve seul, je suis tellement « high » que mes problèmes me semblent loin. Une amie passe me récupérer après son taff, je lui explique tout à elle aussi… « T’es vraiment con… » une phrase qui commençait à devenir beaucoup trop récurrente, ce à quoi elle ajouta « allez viens je te paye la soirée on va oublier ça! ». Les canettes de bières achetées chez le paki du coin coulent à flot. Nous croisons notre dealer, qui nous propose de terminer la soirée chez lui. Le rythme ne ralenti pas… J’ai tellement bu et fumé que mes yeux se ferment tout seuls.

(Un Cidre qui poque le crâne : la K 8,4% Parfait pour oublier vos soucis)

Alors que mon esprit s’évade doucement vers de profondes limbes, j’entends un truc inattendu, le son d’un reniflement rapide qui me ramène à ouvrir les yeux : « -Hey…? Vous faites quoi? » « -Tu veux tester? ». Je réouvre les yeux comme je peux pour voir ce qu’ils me proposent. Et je me retrouve avec un couteau pointé dans ma direction avec sur la pointe, un petit monticule de poudre de blanche. Vous l’avez deviné on parle bien de cocaïne, je n’ai jamais touché à ça et m’y suis toujours refusé. Mais là, les circonstances étaient différentes pour ne pas dire exceptionnelles. « De toute façon, je n’ai plus rien à perdre ».

J’approche mes narines, et fait disparaître le contenu du couteau en direction de mon cerveau. Le résultat est immédiat : moi qui était à deux doigts de m’endormir sur le lit de mon refourgueur, qui était tellement déchiré et high que mes problèmes me semblaient bien loin… bref j’avais procrastiné en me disant « boaf de toute façon demain est un autre jour ». Et bien là cet état de torpeur était passé, en un éclaire je me réveille, et mes soucis qui paraissaient si loin me sont revenus en pleine poire en un instant : Comment je vais bouffer cette semaine? Comment je vais me loger? Comment je vais lutter? Toutes ces questions refirent surface, mais cette fois j’avais en moi une substance qui me permettait de voir la situation de manière plus « lucide » :

- Pour bouffer je m’adresserai à mon employeur le Roi du poulet

  • Pour me Loger l’auberge était payée pour cette semaine, il me suffirait de squatter une semaine quelque part au moment du check out pour me remettre bien
  • Je demanderai à faire des heures en plus tout simplement pour faire rentrer plus de caillasse

    Bref… Cette soirée fut l’une des pires et des plus mouvementées de ma vie. L’adrénaline avait pris le pas sur ma conscience. Je ne pouvais plus le nier : j’étais addict! Et il fallait que je règle ça? mais comment? difficile d’en parler loin des parents, loin des amis. Mon meilleur ami lui ne voulait pas non plus me prendre la tête avec ça, surement par pudeur de ne pas vouloir faire d’ingérence dans ma vie… pas si facile… « A partir de maintenant promis je ne touche plus les cartes… » Une promesse qu j’allais m’empresser d’oublier…

Petit surplus « Cool Story Bro » :

Je rentre à l’auberge complètement carbonisé à 10h du matin, je fond dans mon lit et m’endort profondément. Quand je me réveil il est 20h, j’ai un putin de mal de crâne et j’ai la dalle. Bien entendu je me souvenais encore bien comment j’avais dis au revoir à mes derniers sou la veille. Je boufferai n’importe quoi, ça tombe bien, en auberge, il suffit de regarder les placards et on trouve de la bouffe… de la bouffe qui n’est pas à nous bien entendu.

« Arthur? Putin t’es là je te cherchais! » C’était mon meilleur ami. « Attend vas-y laisse tomber la bouffe des autres, j’ai une surprise pour toi » à quoi il ajoute « Je suis passé à Tesco, j’ai repensé à ce que tu m’as raconté hier pendant que je dormais… Je t’ai rien dit parceque j’étais trop mort, mais par contre aujourd’hui je me suis dit que tu aurais besoin de support, alors je me suis dit que tu serais content de bien manger. » En prononçant cette phrase il me sort de son sac plastique deux magnifiques tournedos. (pour votre gouverne, en Angleterre, ces pièces de viandes coûtent une blind) Ca fait une éternité que je n’ai bouffé que du poulet dégueu et des pâtes et là il me sort un assortiment pièce de viande, pomme de terres : LE REVE! enfin le rêve… oui le rêve aurait été cool s’il n’y avait pas le compromis, car il m’explique :
« Par contre je suis dégouté, je voulais vraiment te faire plaisir, mais bon c’est pas pour ça que j’avais prévu de payer les courses non plus! Comme d’hab je prends deux trois trucs, et cachent le gros des courses dans mon manteau » (le mec était un as de la chourre, imprenable) « Sauf que là, y à un mec, un roumain, il me balance auprès du vigile! Déjà ils m’ont emmenés dans une pièce derrière, paye ta honte, et ensuite ben j’ai du tout raquer, du coup je suis fauché! »

D’une pierre deux coups : en 24h nous étions tous les deux sur la paille bouffés par nos vices!

Super récit :wink:
Vu la tournure des événements j’en suis presque à me dire que tu as de la chance d’être là 8 ans plus tard à nous les relater. :laughing:

C est sur que je voulais me découvrir, me mettre en danger, afin de découvrir un maximum de choses. Tout ce que j’écris là, j’ai bien conscience de l’avoir bien cherché. Ca fait parti des histoires où tu rigoles plus tard en te disant que tu jeunes fougueux et inconscient, mais sur le coup je faisais vraiment pas le malin. Ah ce putin de jeu, jusqu’ou il peut te mener!

Alice ça glisse, mais je reste confiant on est pas encore à l’étape gigolo pour payer ses dettes de jeu envers la mafia locale. Mais vu comme tu m’as l’air possédé à cette époque, je crains les ‹ mauvaises › rencontres, de celles qui exploitent tes faiblesses. Hâte de lire la suite, tu es vraiment un super narrateur ! GG même si tu m’as donné envie de m’en rouler un pti (une de mes addictions aussi).

Saignants les steaks? :mrgreen:

Purée mais c’est que t’es vraiment le péché personnifié toi (le pire c’est que ça me fait trop rire…) :smiling_imp:

Ah les Frogs à l’étranger – quelle sale race :laughing: Ca me fait penser à quand j’étais au lycée dans une ville sur la côte dans le Sussex (oui, vas-y pour la vanne :mrgreen: ). Chaque été des milliers d’ados français débarquaient pour des séjours linguistiques (mon oeil – ils restaient entre eux). J’avais un job d’été de vendeuse/caissière chez Marks & Sparks mais je passais la plupart de mon temps à regarder si ces mêmes petits ne fauchaient pas dans les rayons – c’était leur spécialité. En plus, je me rendais au magasin à pied le matin (2km) car impossible de prendre le bus avec ces 'tites grenouilles qui piquaient toutes les places ne sachant pas faire la queue!! La ville respiraient un « ouf » de soulagement dès le 31 août !!

En tout cas, je bois ton aventure avec plaisir comme toujours et j’ai hâte de goûter à la suite :laughing:

Kalimhiro : Ca glisse ouai… à sec même. L’étape gigolo était vraiment pas loin, sans mentir, avec mon pote on y pensait genre : « -Tu prendrais combien pour elle? » « -300 pound! » « -Mon gars t’es pas cher ». On s’est même renseigner pour faire du don du sperme, vu que le profit est plutôt lucratif là bas. En tout cas pour la suite… y a de la matière!

Nonneobstant :
[quote]
Purée mais c’est que t’es vraiment le péché personnifié toi.[quote]

Ben disons que quand je fais un truc je me lance à fond dedans en me disant que ça va passer, et qu’au pire y’a pas mort d’homme. Bon maintenant je suis nettement plus raisonnable (30 piges oblige). Et puis me mettre en danger, pour moi c’était le kiff, en revanche pour mes pauvres parents qui suivaient ça de loin, ça devait pas être la même. Ils ont pris de cheveux blanc bizarrement.

Chhriis : Merci pour le compliment, c’est vraiment cool. Pour le Generator, je l’ai squatté pendant 4 mois lors de mon premier séjour, chambre de 12, au sous sol, qui, comme tu le faisais remarquer puait bien des pieds. Donc là, là chambre du staff, à 4 c’était le luxe!
Enfin bon depuis j’ai essayé d’y retourner, avec le turnover, tout le staff a changé, par contre la situation pour moi est resté la même : « Heu… no sir : You’re barred for life »! lol

Belle écriture, as always :wink: !

Et si tu avait autant de démons, ce n’était pas à cause d’un manque de formation professionnelle ?
Car je ne crois pas avoir entendu parler de ta formation / métier, si ?
Tu bossais en france avant de partir ?

@nonne : ce qui est triste, c’est qu’en australie on a même crée un mot pour ça : « french shopping ». J’y vais l’année prochaine, et apparemment pas mal de commerçants regardent les froggys d’un mauvais oeil.

@D.Targaryen : Tu mets le doigt sur une grosse partie du problème, effectivement à ce moment là j’étais vraiment pommé (aucun plan pro, perso, même de couple) le jour au jour m’allait bien. La formation professionnelle j’en avais parce que parmi mes 3 premières (oui 3!!!) j’avais suivi entre 2 filières générales une formation en hôtellerie, mais c’est tout et encore ça ne m’allait pas du tout. Bon celà dit la formation professionnelle arrive dans l’histoire… ça a changé certaines choses, mais pas mon comportement de cas soc’. Avant mon premier départ je sortais du bac.

Concernant les froggy à l’étranger, c’est vrai qu’on subit une réputation assez « roff »: en terme général, c’est vrai qu’on a tendance à se croire chez nous un peu partout (surement des restes de l’époque coloniale).

En même temps regarde les chanteurs populaires qu’on a :

[evideo]- YouTube

[evideo]- YouTube