FROM COUVREUR TO PLAYER
Dans l’article précédent « Tintin au pays des ibères », je vous racontais comment je m’étais lancé dans l’aventure des coverages. Barcelone m’avait ouvert les portes de son EPT, et mes articles postés sur wam-poker avait un peu plus de visibilité que sur facebook. Maintenant il fallait décrocher du contrat et convertir l’essai.
De retour de Barcelone j’ai beau atterrir sur le tarmac de l’aéroport de Saint-Exupery, je suis toujours sur mon nuage. J’avais réalisé un rêve, celui de relater un tournoi international de poker. Je me remémorais mes journées, mes rencontres, et relisais mes articles afin de voir ou ils étaient perfectibles. Alan, un journaliste norvégien, m’avait filé des contacts qui potentiellement cherchaient des couvreurs. Je commençais à postuler, à prendre contact avec toutes les revues spécialisées, mais les réponses tardent à tomber… en vérité elles n’arriveront jamais.
Je suis à ce moment là un parfait vagabond, je n’ai pas de chez moi, je vogue d’appart’ en appart’ chez qui voudra bien m’héberger chaque soir. La tune que j’avais mis de côté en saison, et les deux trois perfs qui me maintenaient à flot, se sont volatilisées. Il ne me reste plus qu’un mois de chômage… Le spectre de laisser tomber cette opportunité de carrière commence à se profiler, et il était hors de question de retourner faire de la vente ou de la restauration, j’avais assez donné de ce côté là… Il fallait que je continue à alimenter ma maquette, que je cherche d’autres coverage, ça allait bien payer à un moment… de toute façon il fallait que ça paye! Le WIPT et son énorme démarrage à la Vilette se profilait pour Novembre. Sentant la bise de l’hiver financier venir, je ne pouvais pas imaginer aller couvrir l’EPT Prague ou San Remo (dommage parceque couvrir l’exceptionnel run de mon idole Ludo Lacay eut été énorme). Par contre dans mon esprit couvrir ce lancement du WIPT était une nouvelle preuve de motivation auprès de l’entreprise au W rouge pour leur montré que s’ils avaient besoin, j’étais là et que j’en voulais ma race!!!
(WIPT la Vilette une épreuve impressionnante, surtout pour mes jambes)
En attendant je joue. A ce moment là sur Wina, le top shark Mikedou entreprend un challenge, celui de monter la plus grosse bankroll en partant de 200€. Il écrit un blog dans lequel il détaille son volume, sa stratégie et sa gestion de BR. « **Après tout c’est vrai que la discipline semble être la clé, j’ai encore 200€ à investir, je tente la même expérience en parallèle ». Je me lance à corps perdu dans ce challenge, je fais énormément de satellites mais rien ne rentre… rapidement les 200 balles de base se réduise comme peau de chagrin, ça commençait à sentir la merde à plein nez, et je me revoyais déjà repartir derrière une plonge à gratter de la graisse. Alors que je monte à Paris avec un pote pour assurer le coverage de l’étape parisienne du WIPT, je me retrouve la veille du tournois à jouer un 6 max club 10€ sur Pokerstars et termine 3ème pour un gain de 700€. Une couverture plus une petite perf, ça ne pouvait présager que du bon.
Quand j’arrive dans les Halles de la Vilette, je prends conscience de l’ampleur de l’événement… 2000 personnes, des tables à pertes de vu, des pom pom girl en roller qui trémoussent leurs bowl devant mes yeux, les joueurs du team, et l’inévitable Patrick. Armé de mon calepin, j’enchaîne les bornes et je me fais alpaguer dans tous les sens : « Hey Benjo, viens voir y a un coup à raconter ici »… « Heu… ouai balance, par contre désolé mon pote mais moi c’est Arthuroo ». L’ambiance est bonne, Rémi Gaillard fait le con, y a des bières gratos pour ceux qui sont dans l’espace VIP, bref une expérience au top. Je partageais de grosses discussions avec Paco et Junior (qui réalisent dans la tête d’un pro) et je mesure à quel point les types sont cool, mais également d’un professionnalisme de fou. Je n’avais qu’une envie, rejoindre cette équipe de ouf, mais visiblement il n’y avait plus de place…
Je rentre chez moi, enfin chez moi… chez mes parents qui m’hébergent gracieusement à la cambrousse en attendant que je trouve quelque chose. Le soir je fais ma session habituelle et décroche un nouveau billet de 600€… ça y’est je commence à croire de nouveau en moi, en mon étoile, et dans mon talent. J’ai alors 1100€ de BR, et voyant que côté journalisme les choses ne se débloquent pas trop et que je ne pourrais pas attendre ad vitam eternam, je me dis : « Mon gars, c’est le moment, lance toi! ». J’entreprend alors de faire les choses correctement et la première des choses était d’en parler directement à mes parents. J’étais frileux à l’idée de me prendre une leçon de morale, mais bon le leur cacher eut été totalement contre productif. A l’heure du repas je me lance : « Bon, je voulais vous dire, que j’ai monté un pécule de base et qu’en attendant que le journalisme décolle, j’ai vraiment envie de tenter ma chance professionnellement carte en main… » … Silence… mon père avec son habituel poker face, commence au bout de 30 secondes à remuer l’épaule droite façon Sarko, j’en déduis un signe de nervosité. Je poursuis en expliquant que cette fois il ne s’agit pas d’addiction, que j’ai compris comment géré mon argent avec une gestion de BR sérieuse. Après tout cela faisait maintenant un moment qu’ils voyaient que je continuais à jouer de l’argent au poker sans en perdre me permettant même de me financer des voyages à Londres et Barcelone. Après avoir tirer une gueulle de six pieds de longs j’eus finalement leurs bénédiction : Maintenant il ne fallait pas les décevoir, j’avais toutes les cartes en mains pour prouver à ma famille et mes potes que j’étais capable de vivre du jeu.
(Mes parents quand je leur parle de mon nouveau projet)
Je commençais à enregistrer mes sessions, à faire des reviews, je regardais toujours plus de vidéo, et surtout je jouais un volume conséquent comme tout joueur qui se dit pro. Levé 12h, je déjeune correctement, hop je me pose sur les softs et embraye des satellites tout l’après-midi qui me permettront de jouer les tournois du soir à moindre coup pour des dotations plus alléchantes, et me couchais entre 1h et 5h du mat’. Arrive alors le moment de l’euphorie, je gagne le big 20 et fait trois belles performances dans le même mois en faisant 2ème du 6 max club 50 et en gagnant deux fois ce même tournois. **La BR s’envole : 12k€!! Je n’en reviens pas moi même, mes potes sont sous le chocs, je commence même à entendre : « Arthur, Tu veux pas me coacher stp? J’aimerai bien gagner des sommes comme ça ». Je comprends alors que la plus part de mes potes ne se rendent pas compte que j’ai joué cinq ans à perte avant d’être gagnant, l’équivalent en année d’un Master.
De mon côté je savais que j’étais dans un rush indécent, mais j’étais certains que j’avais compris quelque chose de plus à ce jeu. Il fallait que j’en fasse profiter les autres, me vient alors l’idée de faire des vidéos que je prévois de mettre sur Youtube, je me prends déjà pour un Cuts ou autre Nicolas Levi. Et me voici à enregistrer toutes mes sessions en les commentant, ce qui me force à me concentrer et c’est plutôt efficace pour perfer malgré des réflexions assez simplistes quand on regarde après coup. Mes parents eux sont à la fois médusés, amusés et rassurés. Ils ne savent pas spécialement quoi penser, d’autant plus que leurs amis me voyant réussir ainsi commencent eux aussi à me pousser dans cette voie. Je tente même d’expliquer à ma mère le poker et la notion de calcul de prise de risque. Je fais ça à 6 left d’un 6 max à 50€, c’est à ce moment là que je comprends toute l’aversion de ma génitrice pour le jeu. En effet alors que je suis assuré d’un gains de 400€ je vois son visage se transformer dans un mélange de peur et de dégoût sur chaque mains dans lesquelles je rentre.
La tune grimpe mais en revanche côté journalisme ça ne décolle pas. Je passe un entretien avec Micheal Michelin de Pokerstrategy, mais cela n’aboutira pas. Je me dis que ce n’est pas grave au final puisque d’ici peu c’est moi qui jouerai un EPT. Avec la tune, je ne fais pas le con, je comprends que la roue de la fortune peut rapidement se retourner et malgré quelques plaisirs comme un petit voyage je ne touche rien. Socialement, le fait d’annoncer à un où une inconnue que je joue au Poker professionnellement lorsqu’il ou elle me pose la question « Que fais-tu dans la vie » m’amène des regards d’admirations, d’intrigues, et d’excitations. J’avais toujours rêvé de ce style de vie, mais je n’y croyais plus, ça me semblait impossible, et là… je le vivais, c’était magique.
Avec une telle confiance, une telle réussite et une telle envie, il me fallait maintenant me tester au live. Le WIPT approchait à grand pas, avec ses qualifiés, ses regs et ses pros. Il me tardait de voir l’ambiance et de me mesurer à tout ce beau monde.