Dame de Coeur et Pique d'orgueil

Dame de Coeur, et Pique d’orgueil !

Dans l’article précédent « Good Vibrations », je vous retraçais mon périple au WIPT. Une épopée qui m’amena à la 49ème place, et qui dopait un peu plus ma confiance quant à mes qualités de joueurs. J’étais professionnel, mais le plus dur… ce n’était pas de le devenir, c’est de le rester.

Le retour sur Lyon avait marqué un tournant, j’étais maintenant boosté par la confiance de savoir que j’avais ma place dans le micro pourcentage de joueurs qui arrivent à vivre des cartes. Mais maintenant hors de question de continuer le grind dans des conditions précaires. Voici maintenant 6 ans que je navigue à droite à gauche sans avoir d’appartement avec mon nom sur la porte. Je squatte, chez les potes armé de mon sac de voyage lustré par le temps. Dedans se trouve deux ou trois affaires de change, un nécessaire de toilette et mon laptop. Mais voilà, voguer au grès des coups de téléphone en mode : « Yo mon poulet, dis moi y’aurait moyen que tu m’héberges » ne pouvait plus durer. Les copines de mes amis commençaient à grincer des dents, et mes potes qui se cassaient le cul dans leurs boulots respectifs ne comprenaient pas qu’avec les sommes d’argent que je gagnais je ne puisse pas me payer un appart’, une coloc, ou juste un pieu. Ils avaient raison, il fallait que ça change.

Je me mis en quête d’un logement. D’un naturel sociable et étant bien conscient que le rythme du grind pro serait décalé par rapport à une vie lambda, il me semblait préférable de rechercher une colocation. J’hésitais alors à refaire le choix de l’étranger, Malte semblait une destination ultra attractive pour le poker, la mer, le soleil, les filles… ça semblait vraiment cool. L’inconvénient c’est qu’en se lançant dans un nouveau choix de vie il est essentiel d’avoir du soutient, et celui de mes amis était primordial… Ok, on reste à Lyon. Maintenant que cette décision était prise, il me fallait trouver une sous-location… je ne vous apprends rien en vous disant que si vous n’êtes ni étudiant, ni en CDI, un bon nombre de porte se ferme avant même que vous puissiez visiter le lieu en question. Bien entendu en période de crise, vous trouvez une montagne de prétendants, qui, comme vous ne rentrent pas dans les cases des agences de locations. Vous vous retrouver alors à faire des visites groupées, à essayer de défendre votre bifteck en expliquant comme lors d’un entretien pour un taff que vous serez un meilleur coloc’ que votre voisin de gauche. « Ah ouai, t’as fait pas mal de coloc’? Ah ouai t’as pas mal voyager? Et en fait tu fais quoi dans la vie? Hein? Joueur de… Ca existe ça?.. Cool, bon ben je te tiens au jus. » Frileux à l’idée que je puisse ne pas payer le loyer d’un mois sur l’autre, je me prenais refus sur refus.

En attendant, je continuais ma vie de bohème en poursuivant le squatte chez les copains. Les perfs se sont calmées, mais je continue à sortir l’équivalent d’un smic, ce qui me permet de garder ma roll à flot. Mais à coté des cartes et de l’appart’ un autre truc commençait sérieusement à me travailler. Tout roule, plus ou moins dans ma vie, mais je me réveille tous les matins seul dans mon plumard et là, ça ne pouvait plus durer. Je n’arrivais pas à me poser avec une meuf, et quand j’en trouvais une après des mois de disette, je me barrais au moindre problème et l’histoire était terminée, il fallait que ça aussi change. Bref ma vie était dans une phase de mutation importante, je tentais de tout mener de front, et commençait petit à petit ne plus rien maîtriser…

Tout d’abord les performances ont commencé à chuter. Je fus d’abord victime d’un retour de variance inversement proportionnel au run like Jesus qui m’avait vu monté ma roll, mais je me retrouvais également à ne plus jouer aussi bien qu’avant… la chute qui s’amortissait avec le matelas financier mis de côté commence à sérieusement entamer ce dernier. Je perds 1000€ par mois, et comme vous l’avez compris ma BR et mes fonds pour vivre sont très intimement liés. Je ne trouve toujours pas d’appart’, ma vie se décalle, je joue pour essayer de rattraper mes pertes. Chaque soirée passée avec les potes à boire des coups ne se fait jamais sans mon ordi à côté : « 'Tain Tutur sérieux, tu veux pas lâcher ton pc un peu? On avait dit qu’on faisait un jeu? ». Je n’arrive pas à parler à mes amis de mes pertes, je deviens irritable, je fume de plus en plus (jusqu’a dix joints par jours)… Je perds pied, je le sens mais je ne peux rien faire.

Heureusement les beaux jours arrivent, il est temps de sortir. Je viens de récupérer mon saxo que j’ai laissé trop longtemps traîner chez un pote. Je décide de me balader le long des berges du Rhône, je rejoins un ami, on se pose, on boit un coup en savourant les premiers rayons chauds du soleil. Deux mecs jouent un peu plus loin, un de la guitare l’autre de la trompette. Je leur propose de me poser pour jouer avec eux et un boeuf d’anthologie se lance. Les passant s’arrêtent, les gens s’assoient, ouvrent des bières, du vin… Bref l’apéro se lance. Je me sens bien… bien mieux qu’assis devant mon écran en fait. Un déclic intérieur me fait comprendre que ce genre de plan peut être super bon pour renouer avec les gens, avec ces contacts spontanés où se mêlent franches rigolades et discussions où l’on refait le monde… tout ça le poker ne me l’apportait pas et avait tendance à de plus en plus m’en séparer. Alors que mes doigts s’affairent sur les clefs de mon instru, que mon souffle se passionne pour vibrer en harmonie avec mes compagnons de jeu, j’aperçois à cinquante mètres, une jeune fille à la silhouette divine. « Elle, il faut qu’elle s’arrête » me dis je en essayant d’enchaîner les passages techniques pour qu’elle me remarque. Arrivée à notre niveau elle s’arrête, et nous écoute avec un sourire enchanteur. Elle est juste magnifique… Je joue de manière mécanique, et ne peut m’empêcher de l’admirer. Blonde, cheveux ondulés jusqu’à mis dos, yeux bleus, un style simple mais élégant… Vous l’avez compris, c’est le coup de coeur. « Je peux m’assoir avec vous? » J A C K P O T!!! Maintenant qu’elle était là, il s’agissait de faire le taff correctement, sans être relou, sans être gauche et sans être trop timide non plus… La soirée se terminera de la meilleur des manières. Je sentais que l’équilibre sortie/meuf/saxo associé au poker pouvait me faire reprendre une dynamique qui pouvait faire de moi l’homme le plus heureux du monde.

(Une Jamm apéro : hippi mais sacrément convivial)

Malheureusement, il n’y eut pas de suite avec cette ange d’un jour. Diablesse d’une nuit, je n’eus plus jamais de nouvelle… Moi comme un con, je ne comprenais pas pourquoi je n’avais pas de réponse, et je n’arrivais pas à passer à autre choses. Les sessions de jeux suivantes s’en ressentent: je n’ai plus la motivation de jouer, mais je joue quand même. Chaque coup à tapis perdu entraîne une machinale réinscription… J’essaye de ressortir avec ma "Corne du Diable"pour retrouver cette inconnue, en vain… **Elle s’est volatilisée comme mon fric sur mon compte bancaire. Des 12k€ que j’avais monté, il ne m’en reste alors plus que 6, et je commence à me remettre en question : « Est-ce que je suis vraiment fait pour cette vie? Est-ce que je peux arriver à assumer mentalement les swings inhérant à cette profession? Ca attaque sacrément le moral quand même. Ouai mais si je lâche ça je fais quoi? » Et effectivement qu’est-ce que j’allais faire? Sans diplôme, avec un trou d’un an sur mon cv, je sentais bien que j’allais avoir du mal à trouver du boulot, et puis surtout : dans quelle branche?? Cela faisait huit mois que j’étais mon propre patron et que je n’avais de compte à rendre à personne. Retourner à la réalité, c’était finalement troquer toute cette liberté contre une assurance financière : 35h d’un service pas forcément folichon en échange de 1100€ net… le choix était vraiment difficile. Finalement, choix fut pris de poursuivre cartes mains : je n’allais pas baisser les bras aussi vite!

Pour trouver un semblant d’équilibre, je sortais tous les soirs sur les quais et organisais un boeuf musical au même endroit. C’était vraiment sympathique, je retrouvais souvent les mêmes têtes et de nombreux nouveaux nous rejoignais. J’avais bien compris le pouvoir de séduction du saxo et je comptais bien m’en servir. Je venais de récupérer un appart’ en sous locations et pouvait enfin me mettre bien. Les beau jours sont là, et les festivals commencent. Je commence à découvrir un autre monde s’opposant diamétralement au poker, celui de la musique, et celui ci m’attire grandement, tout d’abord en tant que spectateur. J’enchaîne alors les festival electro et les free party. J’avais besoin de rattraper le temps perdu et le manque de lien concret après des mois passé derrière un écran. Je m’évade dans les basses, et dans la MDMA qui commence à couler de plus en plus souvent dans mes veines. Je choppe à droite, je choppe à gauche, bref je me lâche, les pupilles s’écarquilles frolant l’explosion, le corps se syncope comme jamais il ne l’avait fait, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, « JE VOUS AIME!!! » ai-je envie de hurler à tout instant. Les cartes me demandaient un sérieux auquel j’avais de plus en plus de mal à m’astreindre réduisant de plus en plus mon capital… Il fallait que je me fasse à l’évidence, je devais arrêter au risque de perdre l’intégralité de ce que j’avais monté. Certes il ne s’agissait que de 200€ d’investissement à la base, mais là il me restait 4k, et je voulais en faire un usage plus intéressant que d’en faire don au premier requin que je croiserais sur les tables.

Comme à chaque fin d’été suit la rentrée, sans réel projet, mais avec la seul idée que je n’avais pas envie de re bosser pour quelqu’un et malgré tout d’arrêter le poker. Je me vois proposer par des gens rencontrés sur les berges de monter un groupe de musique… « Pas de patron, on fait de la musique, on compose, on crée… Ca pourrait le faire. » pensais-je. Les mecs m’assure vouloir monter un truc pro, « On fait 3 répètes par semaines, et on est chaud » ils ajoutèrent… Le soir où ils me firent cette proposition, nous jouions sous le pont de l’Université sous une voûte en pierre donnant une acoustique d’église, ça pue la pisse de clodo, mais le son est bon. Alors que mes compagnons de zik font un break, un couple s’approche de moi : « Hey, you play very nice man » « -thanks » « - Could you play Amazing Grace for my wife please » « Heu… why not, I can try ». Je ferme les yeux pour me concentrer, je ne connais le morceau que d’oreille, mais dès que la première note sors de mon pavillon, les autres suivent sans hésitation. Quand je termine, j’ouvre les yeux et voit le couple de cinquantenaire ému au larmes, me remerciant chaleureusement. L’homme s’approche de moi et me tend un billet vert, ce n’était pas un vieux dollar mais bien billet de 100€. Je suis surpris et gêné, j’ai du mal à l’accepter, d’ailleurs malgré l’insistance répétée de cet homme, je ne le prendrais pas… surement par pudeur de ne pas l’avoir mérité. Par contre cette action me confirma qu’avec mon instrument, j’avais la capacité de transmettre de l’émotion et que les gens étaient prêt à payer pour ça… « Ok cette fois je me lance dans la musique »!

Je me lançais encore dans un pari fou, aussi stable que le poker et aussi sur qu’un coin flip. Je décidais de garder le fond de mon grisbi pour acheter un nouveau saxo qui remplacerait ma vieille guimbarde ainsi que pour assurer quelques semaines de survie. Je passais dans la tête des gens d’un statut de gambler fou au statut de saltimbanque… Bref la stabilité n’était pas pour demain!!

C’est mon chapitre préféré jusque-là – toutes les émotions y sont réunies.

Tu m’as bien fait rire avec « « Elle, il faut qu’elle s’arrête » me dis je en essayant d’enchaîner les passages techniques pour qu’elle me remarque »… :mrgreen:

Tu m’as bien fait flipper avec ton MDMA (que j’ai du Googler étant la vioque inculte que je suis).

Tu m’as bien émue en refusant les sous… chapeau à toi!

Tu m’as bien surpris à la fin, j’étais sure que t’allais dire "Par contre cette action me confirma qu’avec mon instrument, j’avais la capacité de transmettre de l’émotion et que les gens étaient prêt à payer pour ça… « Ok cette fois je me lance – je vais devenir gigolo »! :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

Aussi, je me souviens d’un documentaire que j’ai vu sur les BeeGees et tout petits déjà ils chantaient ensemble dans les toilettes publiques à cause de l’acoustique – c’est l’odeur que tu décris qui m’y a fait penser :wink:

Sinon t’as dû oublier un « pas » dans ta dernière phrase je crois :slight_smile:

Merci pour ce très bon moment de lecture Tutur :mrgreen: et, comme d’hab, vivement la prochaine aventure

@nonneobstant : Merci c’est vraiment cool! En écriture comme dans la musique savoir qu’on arrive à transmettre les émotions voulues c’est vraiment le must! Pour gigolo, non, j’y avais pensé avec mon pote Chybron dans nos étapes Londoniennes, on commençait même à se renseigner sur le don du sperme (car comme tu dois le savoir outre manche y a moyen de prendre un bifton en échange d’une bonne éjac’). En tout cas vraiment merci pour ta fidélité (toi et les autres) c’est vraiment motivant!

je ne crois pas avoir mis un seul mot sur tous articles,alors j’y remédie de ce pas,ça se dévore comme une bonne série(et puis bon,je suis un fucking voyeur :mrgreen: },j’adore,continue mec :sunglasses:

et du coup un peu de zique :wink:
avec les rois du saxo :mrgreen:

[evideo]- YouTube

Nope. Par contre, c’est anonyme sur le .fr.

est ce que si tu te fais une BR a partir d’une banque de sperme alors faire all in deviendrait une éjac faciale ? :mrgreen:

tjr aussi bon colo, tu nous régale :wink:

@Chhriis : Ah mon coquin toi aussi t’y avais pensé avoue ! Et oui en france le terme de « don » est à prendre au sens premier du terme, en plus il y a plusieurs conditions à remplir (genre avoir eu 2 ou 3 enfants avant histoire de prouver sa fertilité… et tout ça pour pas un rond) en angleterre, la giclette était rémunérée genre £40 au moment où j’y étais (pas sur de moi sur le montant mais il me semble que c’était un truc du genre)

@Smiths200 : Merci hombre! Ca fait plaisir! pour le côté voyeur, ça me procure du plaisir de donner du plaisir, donc no shame! @Exhibitionnisteforever (p.S : thanks pour les Supertramp et leurs saxo d’anthologie qui m’a beaucoup inspiré)

@KCNARF95 : Je fais une réserve perso du coup, tout dans mon congélo, on peut prendre ça comme un livret A en quelques sorte!

Il me semble qu’il y a plus besoin d’être père, now.

Ptain sérieux :open_mouth: ?
Mais va y j’donne deux fois par jour moi ! On peut signer où ?

Toujours aussi sympa à lire

Sinon pas loin du star ferry la photo ?

@fanfan1515 : On voit l’amateur des terrasses ensoleillées lyonnaises! Tu es de Lyon?

Yep
Star ferry:
un bon combo Burgers -bière du monde+les happy Hours …
Et On s’est loupé au wipt lyon en janvier :stuck_out_tongue_winking_eye:

A+

Guillaume