Amour, gloire et raté!
Dans l’article précédent « Show must go on » je vous décrivais le passage à une nouvelle vie. Mes derniers fonds gagnés en poussant les jetons au milieu m’assuraient encore de quoi payer à manger alors que nous montions notre groupe de musique. A l’image de Deluxe nous nous sentions pousser des ailes, convaincus que notre style, notre envie et notre talent détrônerai, M, Johnny ou encore Jean Pierre François.
Nous répétions comme des porcs trois fois par semaine. Je passe mon temps à me trimballer mon saxo et mon sac de voyage, je suis toujours à droite à gauche, et ce n’est pas ma nouvelle vie de troubadour qui va me permettre de me payer un loyer. Pour moi il s’agissait d’un sacrifice nécessaire pour arriver un jour à percer. J’enchaînais quelques plan concert où des mecs cherchaient un Saxo de dernière minute « Ok on joue quel style ? » demandais-je « - Jazz Fusion » « - Heu… ok, je ferai ce que je pourrais ». Je me demandais si je n’avais pas été un poil ambitieux en acceptant cette offre. Au final il y avait dut y avoir où un trolling où un malentendu puisque je me retrouvais à devoir jouer devant des quinquas en manque d’années 80 : Du Sardou, du Bruel, ou autres Patricia Kaas… Je rêvais de devenir Maceo Parker, mais lui aussi avait surement fait de l’alimentaire avant de rentrer dans le band de James Brown.
Côté « Ojala » les concerts commençaient à se débloquer, par contre nous découvrions les méthodes honteuses de rémunération des artistes : Le chapeau (ou la queunelle). En gros, le mecs te proposent de jouer en échange de la bouffe et de la boisson, quant à la tune c’est à toi de la réclamer en mode « A votre bon coeur M’sieur Dames » après avoir terminé ton concert. Non seulement le public que nous ramenions consommait, mais en plus nous n’en voyions pas les retombées. C’était terriblement frustrant. Je passais 4 à 6 h par jour sur mon instru pour ne pas arriver à me payer un paquet de pâtes. Je commençais alors à jouer dans la rue en solo ou en duo avec le guitariste du groupe. N’ayant pas ses papiers, chaque sorties était un risque pour lui d’être renvoyé dans son pays, et pour nous que notre projet s’évanouissent dans un charter affrété pour le Chili. Tout ça générait des questions et de la frustration : « Est-ce que je vais y arriver? et si oui quand? »… je savais que nous nous étions laissé six ans avec le groupe pour percer, mais ça allait être six ans à galérer.
Toute cette instabilité qui me pourrissait de l’intérieur allait trouver sa fin le 17 avril 2014. Ce jour là, un pote qui tient un bar associatif et qui était à bout de nerf me dit « Mec, tu peux me prendre le bar une journée? Moi j’en peux plus faut que je fasse un break ». N’ayant rien de plus à faire à ce moment là, et ne m’empêchant pas de pouvoir travailler mon instrument, j’acceptais. Je me retrouvais taulier d’un bar d’artiste ou il n’y avait pas un client la journée. Ma seule animation fut de voir arriver une puis deux voitures de flics, une ambulance, stationnant pendant 4h dans une rue à sens unique, générant un véritable cirque… un mec venait de se faire poignarder un étage au dessus de moi, YOUHOU… Ca ne m’empêche pas d’organiser la soirée prévue, mais l’ambiance est tout de même pesante. Dans le soucis de bien faire, je gère comme il se doit le lieu, mais toujours SDF j’oublie mon fameux appel quotidien aux copains « Yo tu peux m’héberger? », et me retrouve dans la dèche de pieux pour que ma caracasse puisse se reposer. « Bon… ben on va dormir dans le bar », je ferme le bar, et cassé je m’apprête à me pieuter. J’entends frapper à la porte, ça sent le mec bourré qui veut terminer ça soirée, je me lève, ouvre la porte : « Yo Arthur, mais c’est toi qui tient le bar? » Un pote, avec un style genre Elvis indien, débarquait avec quatre pote dont deux jolies filles « T’inquiète on tape pas dans le bar, on a rammené à picoler ». Nous jouons de la musique, nous parlons, nous rigolons, et je leur raconte qu’un mec s’est fait planté quelque mètres au dessus de nos têtes. Une des deux filles, une magnifique métisse sympathique avec qui j’avais bien déliré me dit lorsque la soirée est sur le point de se terminer « Ton histoire me rassure pas trop, je peux rester dormir ? ». Ce soir là je rencontrais l’amour, ça peut paraître con à dire comme çà, mais la première chose que j’ai dit à mes potes le lendemain quand il a fallut que je squatte leur douche c’était : « Je crois bien que j’ai trouvé la bonne ». Psychologue de profession elle venait de tomber sur un cas soc’ en bonne et due forme, mais le fait de savoir directement que je voulais quelque chose de sérieux avec cette fille me donnait envie prendre les choses en mains.
Côté poker, ça roulait, bon… ce n’était pas non plus le rush à l’ancienne, mais par contre je faisais quelques perf à l’approche de l’été. Tu m’étonne, j’étais maqué, il faisait beau, bref … le plein de confiance! Le cocktail parfait pour perfer. D’autant plus que maintenant même si je continuais de vadrouiller chez les copains, je m’étais un soupçon sédentarisé chez ma nouvelle rencontre. Son Ip est excellente : j’embraye une quatrième place sur un Tie Break et la win d’un digestif. Suivant scrupuleusement ma méthode « 100% plaisir » je venais de gagner suffisamment pour me payer mon road trip au Boom Festival… Direction le Portugal avec trois autres larrons, nous nous connaissions de soirées mais sans vraiment nous connaître, les tripes similaires et la musique nous avaient rapprocher, mais sur 4000 bornes c’était une autre aventure. Nous décidons de faire ce voyage sur trois semaines, avec comme projet de faire de la musique de rue pour nous aider à payer les faux frais. Je sentais tellement que ça allait être une expérience unique, que mon âme de reporter insatisfait me poussait à faire un docu maison. Je me sentais comme Kerouac… en moins fauché, et plus accompagné.
(Episode 1 du docu maison : Eat the road : A ticket to rde)
Au retour de ce voyage, j’étais plus chaud que jamais pour percer dans la musique. Entre Deluxe, Anoushka Shankar, Highlight tribe, Keziah Jones et tant d’autres, je voulais devenir comme ces groupes qui dans leurs style étaient des références, et passer mes étés en tournées. Pour en arriver là, il fallait bosser, se sortir les doigts du fion et travailler sérieusement. Notre set se développait, nous travaillions notre communication, notre jeu de scène, il fallait tout fracasser et pour ce faire : IL FALLAIT ENVOYER UN SHOW!!! DU LOUUUUUURD!!
(Le groupe modèle : DELUXE)
Les mois passent, et la tune de nouveau a disparu … en même temps c’est sur que ça fait des petits tout seul. Je passais mon temps entre mon instru et le montage de mon reportage maison qui me prenait un temps fou. Je suis obligé de prendre un taff alimentaire et me spécialise dans la vente de cravate… « J’ai une magnifique Big knot à vous proposer… oh que vous êtes élégant! oh et puis cette petite pince à cravate vous scierai à ravir, oh et puis voulez vous un petit coup de langue derrière vos bouliches? » Je me débectais moi même faire ce métier : vendre des cravates faites en Chine pour un prix exhorbitant, devoir mentir aux clients sous la pression des chiffres et d’une manager névrosée… Il fallait vite que je trouve autre chose. C’est à ce moment que paraît l’annonce dont j’ai toujours rêvé : Winamax cherche un journaliste! Je tombe sur l’annonce fortuitement mais ne mets pas plus de 5 minutes à postuler. Le Dream Job à portée de main… à nous les voyages sur les plus gros tournois du monde, à nous le reporting des mains d’anthologie jouées par Davidi, et surtout à l’intégration d’une boite jeune exigeante mais professionnelle dans laquelle je rêvais de bosser.
Après avoir envoyé tout le nécessaire pour prouver que j’étais qualifié et d’une motivation à parée à toute épreuve, je commençais à en parler autour de moi. D’abord à ma copine qui comprend que c’est le rêve de ma vie et qui l’accepte totalement même si ça impliquais de devoir déménager sur Paris : « Si c’est important pour toi, ça l’est aussi pour moi » me dira-t-elle. Quant au groupe, quand je leur en parlais je ne les sentais pas spécialement emballés par l’idée. Mais la vérité était qu’entre galérer pour un but que nous n’étions pas sur d’atteindre et avoir un salaire fixe et payer pour ce que je savais faire de mieux, il n’y avait pas l’ombre de l’esquisse d’un soupçon de doute. Les semaines passent, et la réponse n’arrive pas… je relance plusieurs fois, mais non, la direction du recrutement n’a pas encore pris sa décision… au bout d’un mois alors que mes espoirs commençait à s’éteindre, mon téléphone sonne en appel inconnu. « Allo M. Heu… Arthur heu… » la voix étant hésitante sur un numéro estempillé « unknown » me fait répondre « C’est une blague? » « - Pas du tout Monsieur, entreprise Winamax, vous avez postulé à un poste de journaliste poker, malheureusement nous avons recruté quelqu’un d’autres qui correspondait mieux au profil, désolé… »
A ces mots, tout s’écroule autour de moi, je garde le sourire pour faire bonne figure auprès des amis qui m’entoure à ce moment précis, en revanche intérieurement, je suis vide. Une larme glisse le long de ma joue, je comprends que tout est fini. Il n’y aura pas d’autres annonce de ce type avant un moment, ma chance est passée, mon rêve aussi… Je ne serai jamais journaliste spécialisé pour la presse poker. [/evideo]