Interview du journaliste François Verdenet
Reporter à France-Football, François Verdenet suit l’équipe de France depuis 2002. Ribéry, Pogba, Deschamps… Il raconte.
François Verdenet travaille depuis 23 ans pour L’Équipe et France Football. « J’ai bénéficié de l’élimination des Bleus en 1993, une nouvelle génération de journalistes arrivait ! » Tout juste rentré d’un reportage en Belgique sur les traces de Thierry Henry, le natif de Besançon revient sur ses souvenirs de reporter.
Comment en es-tu arrivé à suivre l’équipe de France ?
J’ai d’abord été en charge des championnats amateurs puis de la L2 et de toutes les équipes de France de jeunes. J’ai fait le premier titre des -18 avec la génération Henry, Gallas, Trezeguet (17/18 ans à l’époque). J’étais l’un des seuls journalistes à les suivre. Dans la foulée, je suis allé au championnat du monde de -20 ans en Malaisie. Des souvenirs fabuleux… On faisait du jet-ski ensemble, à Bornéo… J’ai gardé des supers contacts avec eux. Tous ces mecs allaient prendre la succession des internationaux A, donc j’ai enchaîné avec les A à partir de 2002.
L’objectif suprême d’un footballeur est de gagner le Ballon d’or. Et pour un journaliste sportif ? Est-ce suivre l’équipe de France ?
Non, tu t’éclates beaucoup moins que dans bien d’autres reportages. Je préfère aller en Belgique suivre Thierry Henry ou rencontrer Pjanic dans un bar avant un match de la Bosnie plutôt que de faire une zone mixte avec les Bleus. En sélection, l’humain a disparu pour un tas de raisons. Les dirigeants ferment les portes en raison du trop grand nombre de médias. Avant, un rapport de confiance existait. Aujourd’hui, les paroles sont exploitées et déformées sur les réseaux sociaux, donc le lien de confiance est rompu. Tu as beaucoup moins accès aux joueurs, notamment à cause de ces dérives.
Quel est ton souvenir le plus fort ?
Les meilleurs reportages viennent de la Coupe de France. Bourg-Péronnas, Nîmes en 96… Tu as toutes les odeurs qui reviennent ! Les odeurs du foot amateur, les bonnes ambiances, les belles histoires… Les meilleurs rencontres se font aussi avec des personnages que tu ne pensais jamais rencontrer. Avoir remis un Ballon d’or d’honneur à Maradona reste un grand souvenir, tout comme ce reportage avec Lucien Laurent, le premier buteur de la Coupe du Monde. Ce sont des légendes. Quand tu aimes le foot, c’est fabuleux. Le dernier grand moment fut avec Gignac chez les Tigres du Mexique, au stade Azteca, pour la finale de la Ligue des champions de la Concacaf.
Quel est le quotidien d’un suiveur des Bleus ?
Déjà, un jogging le matin pour éliminer les abus de la soirée (rires). La journée est rythmée par les conférences de presse, l’entraînement, le match. L’actualité de l’équipe de France se fait aussi avec les confrères. On échange nos impressions, nos sensations.
Avec quel international as-tu le plus accroché ?
Philippe Mexès. Je l’ai connu au tout début à Auxerre puis dans les sélections de jeunes. Willy Sagnol sort aussi des sentiers battus. Il a un profil différent des autres. À Munich, il m’invitait à manger chez lui et je voyais qu’il possédait des centaines de livres dans sa bibliothèque. Tu pouvais discuter immobilier ou voiture de manière très pointue avec lui. Ribéry est également très attachant quand tu le connais bien. J’étais très pote avec son entraîneur à Metz, Jean Fernandez. Au mois d’août 2004, ce dernier m’appelle : « François, j’ai un phénomène. Il a trois poumons, ce sera une révélation du championnat. » Cela n’a pas manqué : il fut élu joueur du mois. Franck m’a raconté qu’il n’avait jamais pris l’avion avant de signer à Metz. Il s’est payé ses premières vacances dans un club Marmara en Tunisie. Autre anecdote : France Football préparait son guide de début de saison. Ribéry m’appelle : « Arrêtez d’écrire que je suis né un 1er avril, tout le monde me chambre en me disant ‘’premier avril’’. Je suis né le 7 avril. » Il se trouve que c’est aussi la date de naissance de mon fils. Bien des années plus tard, à Munich, Ribéry s’en souvient et me donne cinq maillots pour mon fils.
Quelle est ta réaction quand tu entends Griezmann demander aux journaux de supporter les Bleus ?
Ce n’est pas ma façon de voir les choses. Nous ne sommes pas là pour être supporters mais pour être objectifs. Pogba n’avait pas été bon contre la Bulgarie et les matchs précédents. Contre les Pays-Bas, il fut excellent. Il faut dire quand il est bon et analyser pourquoi lorsqu’il ne l’est pas.
Te sens-tu visé quand Pogba célère son but en visant les journalistes ?
Non. Je n’ai pas vu en direct son bras d’honneur à Marseille, mais seulement quand la polémique est apparue. À France-Football, nous sommes là pour parler foot, pas pour faire deux pages sur un bras d’honneur. Disons que cela fait partie de son personnage.
Y a-t-il un tournant dans la relation entre l’équipe de France et les médias ?
Le vrai tournant date de 2010 : Knysna. Cela avait commencé à se refroidir durant l’Euro 2008. À l’inverse, en 2002, c’était le grand n’importe quoi : nous étions à l’hôtel des joueurs au Sheraton puis au casino avec eux le soir.
Tu avais rencontré Deschamps avant l’Euro 2016. T’avait-il fait bonne impression ?
Sur les sept phases finales que j’ai couvertes, celle-ci fut la meilleure à tous les niveaux. Tu avais des vrais tauliers, des mecs qui tiennent un groupe : Koscielny, Lloris, Gignac, Evra. Les mecs ont joué le jeu avec la presse et Deschamps a mis de l’huile là-dedans pour harmoniser les rapports entre journalistes et joueurs. Deschamps sait quand donner à manger à la presse. C’est un bon client. Je l’avais interviewé le lendemain de l’entretien de Benzema à Marca : il avait joué le jeu.
Que peut espérer l’équipe de France à la Coupe du monde 2018 ?
Cette génération vit bien ensemble, sur le terrain et en dehors. Dans deux ans, la plupart des joueurs seront toujours là. La colonne vertébrale Lloris-Koscileny-Pogba-Griezmann évolue dans les plus grands clubs européens. Et tu as à sa tête un coach qui est là pour gagner et non pour amuser la galerie.
Session one-shot Sochaux
Tu as longtemps supporté Sochaux. Quel est le meilleur joueur sochalien de l’histoire ?
Mecha Bazdarevic.
Le futur champion de L2 ?
Le FC Lens.
Guy Lacombe ou Laurent Blanc ?
Guy Lacombe.
Benoît Pedretti ou Didier Deschamps ?
Benoît Pedretti.
Camel Meriem ou Marvin Martin ?
Camel Meriem.
Mickael Isabey ou Lionel Messi ?
Mickael Isabey.