Le Patron

Rob Hollink fait un peu figure de grand-père dans ce grand final EPT, ayant remporté la première édition de l’épreuve. C’était en 2005 au cours d’une table finale où l’on retrouvait notamment Romain Feriolo, Brandon Schaffer et Abdulaziz Abdulaziz.
Paradoxe : Hollink est dix fois moins connu que son compatriote Marcel Luske, malgré un palmarès dix fois plus impressionnant (il comprend notamment un bracelet WSOP obtenu lors d’une épreuve de Limit Hold’em à 10,000$). C’est que le hollandais est du genre discret. Pas du genre à chanter à la table, ou à porter des vestes hors de prix taillées sur mesure. Quand Hollink se pointe aux tournois de Vegas avec son short beige, sa chemise à carreaux, ses chaussettes blanches et ses sandales de cuir, je m’imagine toujours qu’il vient de débarquer avec son camping car et que bobonne est en train de beurrer les sandwiches dans le coin cuisine.
Mais que l’on ne s’y trompe pas : derrière l’allure débonnaire du touriste se cache un tueur, un « patron », comme le disent ceux qui ont eu l’infortune de croiser son chemin à la table de poker.
Avant la pause, j’ai vu Hollink disputer un coup interminable – mais je suis resté rivé à la table, attendant impatiemment le showdown, n’ayant aucune idée de ce qu’il pouvait bien avoir en main.
Sur le turn [Ac][Jh][8d][Kd], Hollink a misé 9,500, soit un quart de son tapis, après un check de son adversaire. Ce dernier a payé, et le croupier a retourné un [4c] sur la rivière.
L’autre joueur checke encore, et Hollink dit « all-in » à demi-mot, joignant le geste à la parole. Le croupier compte 30,000. L’autre joueur est légèrement couvert, et entame un interrogatoire entêté :
« What do you have ? »
« Why don’t you check ? »
« Will you show me if I call ? »

A toutes ces questions, Hollink répond par un haussement d’épaules et une moue dédaigneuse.
« This is so fucked up ! »
« What is this shit ? »
Les minutes passent, et le joueur décide de se mettre la pression en demandant le temps. La minute proverbiale passe, seconde par seconde, et le superviseur est en train d’en égrener les dernières quand le joueur dit « call ».
Calmement, Hollink s’empare de ses cartes et les retourne : un [Ah] et un [Jd]. Son adversaire montre un [As] en grognant. Rob Hollink a doublé son tapis.

Et sinon, vous trouvez pas que Hollink à un air de famille avec Jeffrey Tambor, le patriarche de la série Arrested Development ?
Benjo